Nuit Noire en Afrique du Sud

06.09.2006 | Mis à jour le 27.08.2008 | Black
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Deon Meyer

Thobela Mpayipheli, surnommé « p’tit », 2 m pour 120 kg, une véritable force de la Nature. Un vrai guerrier Xhosa

Après « un lourd passé » au sein du KGB, puis pour les services secrets sud-africains, « P’tit » semble s’être définitivement rangé. La Lutte a gagné, l’Apartheid semble terminée. Mais quel avenir pour les héros de cette Lutte ? Laissé pour compte, « P’tit » se sent du coup inutile, sans perspective d’avenir, abandonné par ce nouveau pouvoir pour lequel il s’était sacrifié. Seul un trafiquant de drogue voudra utiliser ses services, parce que « P’tit » vit dans un monde de dureté, de meurtres depuis son enfance.

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« Les Soldats de l’Aube » marqua un tournant dans sa carrière, dans sa vie. Il décida de stopper cette machine guerrière, de se consacrer à d’autres bonheurs, de retrouver ses racines non plus guerrières mais fermières, avec dans l’idée, dans l’espoir de se replonger, de reprendre naissance, dans ses terres Xhosas. Mais, on sent très bien que l’Afrique du Sud n’est pas encore débarrassée de ses vieux démons. Les problèmes intra et interraciaux subsistent encore. La corruption du pouvoir, de la police, des services secrets est encore omniprésente dans tous les esprits.

A peu près un mois avant, il avait lu un article sur les enzymes dans un manuel scolaire, ces très grosses molécules qui provoquent une réaction chimique des cellules humaines en prenant une apparence qui facilite cette réaction même. Il y avait réfléchi et avait découvert en lui-même la métaphore de cette interaction biologique. Toute sa vie, il s’était laissé porté par le cours sanguinaire d’un monde auquel il présentait une apparence qui encourageait la violence, jusqu’au jour où il en avait été dégoûté, jusqu’au moment où, pour la première fois en trente-sept ans, il avait pu prendre du recul par rapport à lui-même et avait trouvé ça répugnant. La seule différence était que les enzymes ne pouvaient pas changer de nature. Les humains, si. Parfois, quand il le faut.

Mais cette violence qu’il a souvent portée en lui n’était-elle pas inscrite dans ses gênes ? Peut-il abandonner si facilement son passé de meurtres et de corruptions ? Dans « L’âme du Chasseur », « P’tit » doit-il honorer une vieille dette envers un ami quitte à renouer avec cette violence ?

Au volant d’une BMW R 1150 GS jaune, « P’tit » entreprend une chevauchée fantastique à la Easy Rider, toujours plus vite, toujours plus loin dans les plaines fertiles sud-africaines. On The Road Again...

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-   Mais le nègre sait-il chanter ? avait lancé alors le copilote.
-   Evidemment, avait rétorqué Little Joe.

Et c’est ainsi que les choses commencèrent, parce que alors le pilote ajouta : « Prouvez-le ». Little Joe Moroka leur décocha un sourire éclatant dans l’obscurité. Il allongea le cou, redressa la tête comme pour libérer ses cordes vocales et le chant éclata, enflammé et puissant, Shosholoza, quatre notes de pur baryton pleines de bravoure.

Thobela Mpayipheli ne pouvait suivre la conversation depuis le pont, mais le premier chant des deux pilotes était parvenu jusqu’à lui et qu’il ne soit pas particulièrement amateur de musique ne l’empêcha pas d’en éprouver du plaisir, malgré sa situation, malgré les circonstances. Et, tout à coup, il entendit la première phrase de l’hymne africain et dressa l’oreille, sachant qu’il assistait à quelque chose de rare.

Little Joe lançait les notes dans la nuit comme un défi. Deux autres voix se joignirent à lui, que Mpayipheli ne put identifier. La mélodie gagna en signification, en émotion, en nostalgie. Puis ce fut encore une voix de ténor, celle de Cupido, sonore et haut perchée comme une flûte, qui flotta un instant au dessus des autres avant de trouver sa place. Zwelitini apporta la touche finale en ajoutant discrètement sa voix de basse à l’ensemble, de sorte que les quatre voix formèrent une trame de velours pour la mélodie de Moroka, s’entremêlant les unes aux autres au grè des gammes. Ils chantaient sans hâte, portés par les rythmes paisibles de tout un continent et les bruits de la nuit cessant, le veld silencieux accueillit le chant, l’Afrique ouvrit les bras.

Les notes envahirent Thobela, l’arrachèrent au pont, lui firent lever les yeux sur la trouée d’étoiles qui se trouvaient dans son champ de vision, il entrevit un monde de Noirs, de Blancs et de métis vivant dans une harmonie encore plus parfaite, un monde de possibilités fantastiques et laissa l’émotion, infime et d’abord retenue, éclater, tandis que la musique emplissait son âme.

Henning Mankell

Je suis un Zoulou, se répétait-il encore et encore. J’appartiens au peuple des guerriers invaincus, je suis un fils du Ciel. Mes ancêtres étaient toujours en première ligne quand nos impis partaient au combat. Nous avons vaincu les blancs longtemps avant qu’ils ne chassent les bushmen au loin, dans les déserts de la mort, longtemps avant qu’ils ne proclament que notre terre était à eux. Nous les avons vaincus au pied d’Isandlwana et nous avons orné les kraals des rois avec leurs mâchoires. Je suis un Zoulou. Je supporte la douleur, et il me reste neuf doigts. Autant de doigts que le chacal a de vies.

L’histoire débute en Suède mais a des répercussions insoupçonnables en Afrique du Sud. Kurt Wallander, qui se désespère toujours plus de voir son pays dans des folies meurtrières de plus en plus sauvages, doit cette fois enquêter sur la mort d’une jeune mère de famille. Et plus l’enquête avance, plus il ne comprend pas pourquoi elle a été tuée. Un dommage Collatéral, peut-être ? Nous sommes en 1992, l’Apartheid n’a toujours pas été abolie. Les relations entre les Boers, les Anglais et les Noirs sont encore au point d’exploser. Parallèlement, un complot semble avoir été mis en place pour assassiner Nelson Mandela et/ou Frederik De Klerk. Mais quel rapport existe-t-il entre ce complot et l’assassinat de cette jeune suédoise ? Si Henning Mankell connaît parfaitement l’Afrique et sait retranscrire ses émotions, ses rites et ses esprits, Kurt Wallander ignore tout de ce monde africain, accroissant la difficulté à comprendre son enquête.

Je considère « La Lionne Blanche » comme l’un des tout meilleurs Kurt Wallander, délaissant un peu sa Scanie natale pour une plongée dans les sombres heures de l’Afrique du Sud. Mais aussi, c’est l’un des plus cruels, non pas pour la sauvagerie du crime mais pour cette politique ségrégationniste.

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Un humain qui perd son identité n’est plus un humain. Il devient un animal. C’est ce qui m’est arrivé. J’ai commencé à tuer des gens parce que moi-même, j’étais mort. Enfant, je voyais les panneaux, les panneaux ignobles qui montraient les endroits autorisés aux Noirs et ceux qui étaient réservés aux Blancs seulement. Là, déjà, j’ai commencé à rétrécir. Un enfant doit grandir, pousser, mais dans mon pays l’enfant noir doit apprendre à devenir de plus en plus petit. J’ai vu mes parents dépérir sous le poids de leur propre invisibilité, leur amertume contenue. J’étais un enfant obéissant. J’ai appris à n’être personne, un rien parmi les riens. L’apartheid a été mon véritable père. J’ai appris ce que nul ne devrait apprendre. Vivre avec l’hypocrisie, le mépris, un mensonge transformé en vérité unique, protégé par la police et par les lois, mais surtout par un fleuve d’eau blanche, un flot de paroles sur la différence naturelle entre les Noirs et les Blancs, la supériorité de la civilisation blanche. Cette supériorité-là a fait de moi un tueur, songoma. Parfois je pense que c’est la conséquence directe de mon enfance passée à rétrécir. Car cette fausse supériorité des Blancs, qu’a-t-elle été d’autre qu’un pillage systématique de nos âmes ? Quand notre désespoir a explosé en rage destructrice, les Blancs n’ont pas vu le désespoir, pas plus que notre haine, qui était infiniment plus grande, et que nous portions depuis trop de temps. Quand je regarde en moi, je vois mes pensées et mes sentiments fendus en deux comme par une épée. Je peux me passer d’un doigt. Mais comment pourrais-je vivre sans savoir qui je suis ?

 
 

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