Véronique Olmi Bord de Mer / Numéro Six

22.10.2006 | Mis à jour le 16.05.2007 | Black
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« Bord de Mer », une nouvelle simple racontant la difficulté d’une mère à élever seule ses deux enfants, Stan 9 ans et Kevin 5 ans.

Maman ! a crié Kevin quand il a vu que j’étais réveillée, et ça c’est merveilleux ! La façon dont un môme vous dit bonjour le matin, comme si vous étiez la surprise du jour, la bonne nouvelle qu’il attendait plus. Kevin, le matin, on dirait toujours que je lui ai manqué, je me demande où ses nuits l’emmènent pour qu’il ait l’impression de revenir de si loin. Quand il y a école Stan lui interdit de rentrer dans ma chambre je le sais bien, mais le dimanche souvent quand ils ont fini de regarder les dessins animés il se gêne pas, ah ça non, il saute sur mon lit et il me réclame un bisou péteur, c’est un bisou sur le ventre qui fait beaucoup de bruit, et ça le fait rire c’est incroyable, on dirait qu’il rit de s’entendre rire, qu’il profite de ce rire, qu’il s’amuse avec et je sais bien que ce rire-là il vous lâche dès que vous grandissez.

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Mon premier sentiment est de ressentir beaucoup d’amour entre les membres de cette famille intimiste, resserrée sur elle-même. Mais aussi, j’aperçois un immense désespoir fondé sur d’insurmontables craintes, de peur et de découragement. La mère est malade, totalement anxieuse. A priori rien de grave, mais elle ne survit que grâce à la chimie de ses nombreuses pilules. Mais quand on n’arrive pas à fermer l’œil de la nuit, nuit qui s’étend en longueur, le jour passe à une vitesse fulgurante, trop vite pour faire quoi que ce soit, trop vite pour s’occuper de ses envies. La fatigue lui prend, le repos dans la journée lui semble indispensable pour éloigner tous ces bruits dans sa tête. Elle n’est pas folle, juste trop angoissée pour vivre normalement, comme tout le monde. Et pour toute réponse à ce mal-être, elle se heurte à des institutions, à des éducateurs, à des intermédiaires sociaux qui ne cherchent même pas à la comprendre et à la sortir de ce malaise, de cette folie latente.

Est-ce vraiment ne pas être une bonne mère que de ne pas être à l’heure à la sortie de l’école pour pouvoir récupérer ses enfants ? Est-ce vraiment si « anormale » de ne pas pouvoir offrir à ses enfants des vêtements à leur taille pour aller à l’école ? Est-ce vraiment horrible de proposer à ses deux enfants une journée tous ensemble au bord de mer au lieu d’aller à l’école ?

Cette expédition au bord de mer va être une première pour Stan et Kevin, confondus entre la peur de rater une journée auprès de leurs maîtresses tant aimées et la joie de découvrir un océan déchaîné, une mer noire aux vagues impressionnantes déchiquetant le rivage, sous une pluie infernale, glacée qui assombrit ce paysage, aux portes d’un hôtel sombre, miteux et lugubre.

La fin de la nouvelle s’achève dans ma tête avec un certain malaise. J’ai envie de pleurer, mais est-ce que j’ai le droit de pleurer ? Est-ce qu’elle a le droit de pleurer ? Pourquoi est-ce que les gens n’ont pas le droit de pleurer, d’exposer leurs sentiments à la face du monde ? Comment font-ils pour retenir leurs peurs, leurs angoisses au fond de soi ?

Une boule reste en travers de ma gorge et je ne sais quoi en penser. J’essaye mais je n’arrive pas à comprendre. Peut-être n’y a-t-il pas grand-chose à comprendre, seulement des sentiments à ressentir, de l’amour et de l’angoisse, de la haine pour un monde différent, elle l’incomprise, la différente. Quitte à avoir plomber ma journée (une journée morose semble du coup s’annoncer à mon horizon), je décide de continuer sans repos l’exploration des écrits de Véronique Olmi pour une deuxième nouvelle : Numéro Six.

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Fanny est le sixième et dernier enfant de la famille. Arrivée un peu par hasard, un peu par erreur, elle se sent du coup exclue de cette famille, ayant 10 ans d’écart avec son plus jeune frère. Elle ne compte pas vraiment pour les autres membres de la famille, ni même de ses parents. Pourtant, elle ne vit que pour l’amour de son père, un grand médecin respectable et respecté. Elle ne cessera de l’idéaliser de sa plus tendre enfance à son statut de femme accomplie. Il est centenaire, maintenant, et alors que les autres enfants commencent à se partager l’héritage, Fanny n’aura qu’une unique exigence : garder son père à ses cotés (ce qui arrange bien les autres membres de la famille) et récupérer les lettres de son père écrites pendant la guerre de 14. Et c’est grâce à ces lettres que Fanny espère se rapprocher de son père, trop souvent loin d’elle, histoire de combler l’absence de son enfance. C’est émouvant, triste. Cela parle simplement d’amour et de relation père-fille, de lien entre les générations, vu à travers la fille-adolescente-femme Fanny ; et en repensant à ce thème, un autre roman me vient immédiatement à l’esprit, « La Formule Préférée du Professeur » de Yoko Ogawa, qui me semble plus touchant, plus riche en émotions et en sentiments.

Par contre, je ressens toujours ce malaise insufflé durant le « Bord de Mer ». Il ne me quitte pas. Jusqu’à quand... Un livre peut-il tant provoquer de peur, de crainte ? J’oublie pas (jamais ?) et ma pensée restera longtemps hanter par ce paysage, un bord de mer, des vagues qui se déchirent, une pluie glacée qui s’effondre sur mes épaules, et derrière moi, cet hôtel...

 

1 commentaire

Véronique Olmi 12 juillet 2010 Joyce Douglas
J’aimerais tellement traduire en anglais un des romans de Veronique Olmi mais je soupconne qu’on l’a deja fait et que je suis trop tard. Comment savoir ?
 

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