L’histoire débute dans un monastère savoyard en l’an 1798. [1] Lucas, jeune moine trinitaire n’est jamais sorti de ce monastère et ne connaît que le silence généré par les 4 murs de sa cellule. Son supérieur lui confie une mission d’une extrême importance : retrouver Marie, la femme du grand argentier de Saint-Jean-d’Acre, en fuite avec son amant, un seigneur ottoman du nom de Jaafar, et la ramener auprès de son mari légitime. [2]
A dos d’âne ou à pieds, sous le soleil ou les trombes d’eau, le moine va traverser la France, l’Espagne, le Maghreb. Ce long voyage va prendre la forme, au fil des lieux, des rencontres, de plus en plus à un pèlerinage. Le jeune Lucas, candide dans ce nouveau monde, sera-t-il prêt à découvrir une autre vie aux risques de perdre la foi en son Créateur et d’errer dans les travers d’un monde inconnu. « Fez, Tlemcen, Oran, Alger, récite le moine dans la barque qui le transporte vers le Maghreb. Deux climats différents s’opposent à travers le détroit de Gibraltar, l’hiver sur l’Europe, l’été sur l’Afrique. Deux mondes différents se regardent par-dessus un bras de mer. D’un côté les églises, les palais, les rues dallées, de l’autre les minarets, les ruelles en terre battue, les maisons en pisé. Les vieillards qui égrènent leurs chapelets les yeux dans le vague sont suspendus à la voix du muezzin qui leur apporte la bonne parole cinq fois par jour. »
Le moine va se retrouver seul au cours de ces longs mois d’errance. Le dur apprentissage d’une autre culture, l’initiation de la vie grâce à l’amour d’une femme, la découverte des plaisirs charnels, la médecine touareg, tous ces événements au quotidien vont perturber la foi de Lucas. Son Seigneur n’est plus à ses côtés, pire il découvre des soi-disant trinitaires qui vont à l’encontre de ses préceptes. Il fait des rencontres avec de nouveaux représentants d’une croyance divine. L’Islam lui parait être une religion saine, fondé sur la paix. L’Islam ne s’apprend pas dans les livres comme il l’a cru quelques mois plus haut dans son monastère isolé au milieu des montagnes savoyardes. Il doit se vivre, se partager pour en comprendre toute sa substance. Mais son esprit d’occidental chrétien ne va pas être au bout de ses peines. Il fera la rencontre d’une troupe de croyants aux moeurs bizarres : ils se regroupent pour danser, tourner en rond, psalmodier et réciter des poèmes, dans une ambiance plutôt festive ; des derviches tourneurs, loin de leurs bases turques... Et Marie qui lui échappe toujours, mais qui occupe toujours plus ses pensées, ses rêves, ses fantasmes... Est-ce cela l’Amour ?
Un long périple initiatique qui nous emporte vers d’autres horizons, d’autres cultures, d’autres peuples, organisé un peu comme une rencontre entre Paulo Coelho et Khalil Gibran autour de l’amour, de la tolérance et du respect de l’autre. Le romanesque prend le pas sur la philosophie mais permet un accès et une découverte vers d’autres religions, d’autres cultures, dans un autre temps. Et si le monde serait un jour bâti sur un partage et un échange des connaissances, sur une cohabitation saine et non belligérante des peuples, des pensées, des prières...
À lire, les premières pages de cette œuvre de Venus Khoury-Ghata : « Le Moine, l’Ottoman et la Femme du Grand Argentier ».
[1] La Savoie de 1798 étant un territoire beaucoup plus vaste qu’actuellement, le monastère se trouve en fait dans les Hautes-Alpes précisément à Faucon-de-Barcelonnette.
[2] Les Trinitaires avaient, entre autres, pour mission de racheter aux Maures les captifs et les esclaves.