La dernière fois que j’ai entendu parlé d’Indochine fut à une certaine fête de la musique dans un méga concert gratuit. La foule y était nombreuse, sans être vraiment hystérique. Peut-être pleuvait-il ? (Il pleut toujours le jour de la fête de la musique). Moi, je ne faisais que traverser la place à la recherche d’un coin pour respirer, d’un coin pour une bonne mousse (une Paulaner, certainement : rêve d’un soir, elle fut blonde, brune ou rousse). Loin de moi l’envie d’écouter ce groupe « has been » de rock français (nous sommes dans les années 90...), j’étais surtout à la recherche d’un couple d’amis perdus dans cette foule immense. Je ne les revis que quelques jours après. Qu’avaient-ils fait pendant ce concert, pendant ce laps de temps ? Peu importe, je les ai retrouvé, par la suite, pour le meilleur et pour le pire...10-12 ans après, Nicola Sirkis, s’étant éclipsé momentanément d’Indochine, re-parvient à mes oreilles par l’intermédiaire d’un recueil de 12 petites nouvelles : « Les Mauvaises Nouvelles ».
Gothique et noir, ce recueil me semble à l’image du groupe. Notez la précaution prise avec le « semble » car je suis loin d’être un expert en Indochine. J’y découvre un monde perdu le plus souvent dans l’adolescence avec son mal-être, son malaise et cette peur de grandir, de devenir adulte. La mort, le suicide prennent une place importante voire prépondérante dans ces nouvelles ; L’acte de se donner la mort comme une échappatoire à ce monde en rupture y est exposé sans tabou, simplement, cruellement. Là où Jeffrey Eugenides nous décrit le suicide comme un acte poétique et romantique, Nicola Sirkis affiche un coté plus sanglant, incisif, voir choquant.
Quitte à mourir, autant vraiment marquer le coup, non ? Faut que ça se voie. Ma mort, je la veux sanglante, avec du rouge sur les murs, sur la moquette de ma chambre, sur mes vêtements. Faut que ça soit sale ! Je ne veux pas que ça soit beau, et surtout quand on me retrouvera, je veux que ma mort laisse un mauvais souvenir, un très mauvais souvenir à tous ceux qui me connaissent. Comme ça, quand ils se rappelleront de moi, il y aura toujours deux images en eux : celle d’un jeune mec de dix-sept ans, mignon et intelligent (il paraît), et celle de son corps par terre, la tête éclatée en dix mille morceaux dans sa chambre (un CD de Marilyn Manson en boucle). [1]
Marilyn Manson, l’ombre d’un chanteur-égosilleur aux allures de gothisme apocalyptique, doué d’une influence sur des adolescents fragiles, en rupture de leur société, de leur monde : voilà peut-être bien le problème de notre société qui semble n’avoir plus de repère... plus d’envie...plus d’espoir...
Mais l’amour y trouve aussi sa place ainsi que le droit à la différence. Sortir de la « normalité » ne devrait pas être une tare, mais une qualité ou un état de fait que l’on peut afficher, avec fierté.
L’important, c’est d’être ce que l’on est, d’être ce que l’on ressent : une revendication à la différence quitte à se retrouver « marginalisé » et mis à l’écart par un pan de la société. Parfois cocasse et drôle mais aussi perverse, certaines nouvelles flirtent avec la pornographie, mais toujours avec un regard quelque que peu décalé, avec des situations loufoques qui sortent de l’ordinaire, toujours avec ce même esprit de droit à la différence.
Subitement, la fille se figea, clouée sur le tapis. Immobile. Devenu tribun face à son auditoire, Frédéric se lança dans une sorte de litanie impitoyable sur la musique de Prince, qu’il opposait d’ailleurs facilement au jazz. Au hasard, il prit un CD dans la discothèque - un Chet Baker - et le brandit comme la Bible à tous ceux rassemblés dans le salon une nouvelle fois pour l’écouter, amusés [...].
Le discours de Frédéric était assez scolaire et lui rappelait justement ses débats interminables à l’époque du lycée, quand chacun dissertait sur le nouveau disque de Neil Young, Grateful Dead ou autre Genesis. [...].
Toujours assis à sa place, sans bouger, il assista alors à une scène qu’il pensait avoir déjà vécue : sans doute ce vieux phénomène de réminiscence qui se manifestait encore. Dès le début de My Funny Valentine, tous les invités se mirent à rire, à rire et à danser dans une sorte de transe collective. On aurait dit les membres des pseudo-Enfants de Dieu en plein délire ou des derviches tourneurs à la bordelaise. Euphorie étrange qui naissait de la tristesse. Ils n’allaient quand même pas faire une farandole du genre « A la queue leu leu » sur du Chet Baker et puis, surtout, l’entraîner avec eux ! [...]. [2]
Quelles fabuleuses références ! ! !
Neil Young, Grateful Dead, Genesis... Mais il a pioché dans ma discothèque ? J’entends d’ici la voix caractéristique de Neil accompagné (ou pas) de son Crazy Horse Band. Tantôt blues, tantôt folk ou bien rock, les CD de Neil Young s’empilent depuis des années sur mon étagère ; la poussière y est proscrite, des années après ces vieux disques tournant régulièrement dans ma tête et sur ma platine. Grateful Dead, l’image d’une Californie sous LSD, c’était la belle Époque, la grande Époque, celle où Peter Gabriel faisait de Genesis un groupe à part avec des contes musicaux qui bouleversaient tout un peuple, tout un monde : le mien. Une voix, une flûte et j’entre en transe.
Sweet Comic Valentine
You Make Me Smile With My Heart
Your Lipss Are Laughable,
Unphotographable
Yet You’re My Favorite Work Of Art
Is Your Figure Less Than Greek
Is Your Mouth A Little Weak
When You Open It To Speak
You’re not very Smart
Don’t Change A Hair For Me
Not If You Care For Me
Stay Little Valentine and Stay
Everyday, everyday is Valentine
i-i-yine-i-yine-yine-iii
Yeah (whoa)
Ay, yeah, yeah, yeah, yeah
ha-ha-ha-ha
(My funny Valentine)
(My funny Valentine)
My Funny Valentine, quel titre ! Les plus grands l’ont repris, Chet Baker et Gerry Mulligan bien sur, mais aussi Franck Sinatra, Ella Fitzgerald, Miles Davis, Stan Getz, Sarah Vaughan... Pourquoi cette énumération ? Il ne s’agit pas de vous en mettre plein la vue avec mes connaissances « wikipedesques », mais simplement pour signaler la sublime version de Van Morrison extrait de son non moins magnifique Live « A Night in San Francisco » ! [3]. Une merveille, un plaisir pour les (mes) oreilles, des sensations inoubliables... Un disque de chevet qui, dès la nuit tombée, m’ouvre un nouvel horizon vers un ailleurs rempli de blues, de folk et de ballades romantiques sous les halos des lampadaires d’une Baie de San Francisco encore embrumée. Je l’écoute, les yeux clos et... comme qui dirait mon professeur de philosophie dont j’ai oublié totalement son nom et son existence : Hors Sujet...
En fin de compte, c’est souvent drôle, émouvant, sincère. « Souvent », parce que je lance mon bémol : toutes les nouvelles ne sont pas du même calibre. Si certaines vous remuent les tripes, et les mettent en pièces, d’autres m’ont laissé sur ma faim. La curiosité m’a poussé vers la découverte d’un Nicola Sirkis « auteur » alors que le Nicola Sirkis « chanteur » ne m’intéresse pas du tout. Mais j’avoue que c’est sans regret (au moins pour certains textes) que je me suis mis à tourner les pages de ses « Mauvaises Nouvelles », d’autant plus subtilement illustrées par une Valérie Lenoir de grand talent.
[1] Extrait de « Suicidal Tendencies ».
[2] Extrait de « Chet Baker ».
[3] P’tit Bonus, Shalin’ All Over - Gloria
-----> merci NICO
ben moi rien qu’un truc a dire :
I LOVE NICOLA SIRKIIIIS merci
moi jadore indochine et vu le résumé je pense que je vais bientot acheter le livre !!
Vive Nicola Sirkis !!!
-----> merci
Merci Typh, c’est trop d’honneur...
Mais honnêtement, début 90, Indochine était à la rue, et on entendait plus trop parler d’eux, sinon comme un groupe oublié et perdu dans la fin des années 90. Grâce à la persévérance de Nicola Sirkis, il est redevenu un groupe de rock français qui partage le devant de la scène et n’est plus « has-been » ...
Par contre, je continue à penser qu’au milieu des années 90, peu de fans avaient le courage de revendiquer haut et fort leur soutien à ce groupe et que par conséquent, il était plus proche de la disparition que d’une nouvelle rencontre avec le succès.
en tout cas, merci de me lire et de continuer (même si la musique d’Indo me laisse un peu indifférent) mais peut-être ai-je tort...
P.S. : et c’est aussi pour pouvoir permettre aux lecteurs de réagir...
Cela fait quelques temps que je n’ai pas vu ce bon vieux Nico !
Faut dire qu’il est très pris dans l’écriture d’un nouveau roman... Alors, du coup, je le laisse un peu tranquille en ce moment...
Mais la prochaine fois qu’on se prendra une bière ensemble, je lui en causerai un p’tit mot...
et puisque Nico est un fidèle lecteur de ce blog, toutes les « lettres ouvertes » adressées à lui sont les bienvenues !
Monsieur Sirkis, j’ai appris il y a peu de temps que vous aviez lancé un message lors d’un concert à Albi où vous demandiez si des spectateurs étaient natifs de Paulinet. Mon père s’appelle André Alibert et vous admire, apparemment vos parents avaiet loué une maison à Carro où vous aviez résider votre adolescence, je sais même que votre mère avait gardé contact avec un monsieur s’appelant Ferdinand. Mon père est un grand fen de vous. Il habitait Frayssinel, ses parents s’appellent Laurent et Georgette Alibert et étaient agriculteurs donc si vous les reconnaissez prenez contact avec eux si votre recherche est toujours d’actualité.
Avec tout mon respect Alexandra
C’est à dire qu’on est un peu en froid, en ce moment. J’ai voulu lui offrir une bière (la meileure de ma cave) et il a refusé sous pretexte qu’il devait faire un concert le soir-même...
Mais où va le rock, si on rentre même plus bourré sur la scène ?!...
Encore merci, je reste doublement confus...
J’avais écrit "quitté" dans le sens où ma chronique n’est pas sur le Nicola d’Indochine mais sur le Nicola auteur. Par contre, je sais qu’il est partie intégrante du groupe et que c’est par lui qu’il vit encore, qu’il a su reconquérir pas mal de fans contrairement au passage à vide des années 90...
En tout cas, merci de ta visite et de ta participation !