La passion n’a pas été immédiate, loin s’en faut. Disons qu’elle a peu à peu pris de l’assurance, sûrement parce qu’il y avait matière à son embrasement. Le hasard provoque la rencontre. Puis un jour qui ressemble à s’y méprendre aux précédents, sans savoir trop pourquoi, je réalise qu’un changement, même infime, a opéré : l’inattendu s’est produit, il est déjà trop tard. Tout au plus pourrais-je faire semblant, et continuer comme avant, tourner vite la page, ne pas prendre de risques.
Pourtant, irrésistiblement entraîné sur un nouveau chemin, les découvertes se succèdent, rebondissantes au fil des surprises. Frappé par la joie, gonflé par la chance de vivre encore une fois cette resplendissante expérience, je perçois un nouvel univers que je ne soupçonnais pas. Je peux m’enrichir à son contact, le sentir vivre et prendre corps en moi. Sentir ces instants de bonheur simple qui se gravent dans une mémoire permanente.
Deux ans se sont écoulés depuis. Les passions s’évanouissent avec le temps. Mais les souvenirs restent, et les émotions qui se sont attachées avec peuvent renaître, improbables tant elles me prennent parfois par surprise, mais bien réelles pourtant. Je les ai laissées reposer, recouvertes par quelques strates de poussière que j’ai laissé déposer là avec bonne grâce. La nouveauté prend le pas, finalement, pourtant...
L’événement que je n’attendais pas se produit. Un coup de vent balaie la poussière fine et légère qui se disperse en virevoltant, tandis que le joyau brulant retrouve la lumière. Quelle que soit la durée de l’attente, un regard en arrière, une sensation, un écho auront suffi à lui rendre toute sa brillance. Une angoisse aussi.
J’ai tant aimé « Funeral » que je n’ose même pas en concevoir la suite. L’histoire s’est-elle arrêtée là ? L’estomac noué, je trouve la première occasion de jeter une oreille sur le nouvel album de Arcade Fire.
Prudent, sans rien dévoilé encore, je laisse tranquillement s’écouler les premières gouttes. Win Butler est toujours là : sa voix n’est pas la plus belle, ni la plus marquante. Elle est cette voix pourtant, fragile et forte à la fois, reconnaissble entre mille, soutenue par des choeurs qui la soulèvent.
Je repense à cette discussion qui avait eu lieu sur ce site, autour de la voix et de la présence de Roger Waters au sein de Pink Floyd. Quand l’âme prend le dessus sur le reste !
L’identité Arcade Fire est là. Sa force aussi qui se révèle encore au fil de nos rencontres.
Sa capacité à surprendre, à changer de pied, à oser ce que personne n’ose plus. L’orgue. Pas le petit orgue discret, aux trémolos d’arrière cours, non, le vrai, le divin, celui qui vous emplit une cathédrale, peut agacer ou faire fuir. Mais qui là, participe à l’univers d’Arcade Fire, le rythme, le rend si particulier, si unique.
Le changement de tempo à 38ème seconde de la 1ère minute de « Black Wave / Bad Vibrations ». Le morceau que j’avais envie de zapper dès son début, qui avait quelque chose d’énervant, de dérangeant et qui d’un coup, pour moi qui ai tenu jusque là, se révèle, se dévoile, et me rend presque fier d’avoir cru en quelque chose.
Nouveau contre-pied lorsque « Ocean of Noise » distille sa mélodie imparable et tubesque sur son rythme tranquille et marque l’entrée dans la deuxième moitié de l’album.
La fin devrait approcher, la vague monte encore, devient plus haute et toujours plus forte. Une vague angoisse transpire de cet univers : avions qui s’écrasent sur un building, fenêtres ouvertes sur le vide, guerre (sainte).
Enfin, le miracle, la chanson que j’ai envie de qualifier d’ultime. Ca ne veut rien dire, ni "chanson", ni "ultime". Je perd mes mots devant cette merveille qui clot l’album, referme le livre encore une fois en me laissant épuisé et bouleversé.
Un album où la personnalité d’Arcade Fire éclate encore et rompt la monotonie du marketing musical et de la surenchère de superlatifs creux.
Un album où chaque morceau se vit, raconte son histoire, dans un clair-obscur plein de nuances, noir et beau. L’oeuvre se déroule dans une espèce de fluidité étonnante, où l’on ne se perd pas, où l’on se s’ennuie jamais, et surtout où l’on découvre quelques morceaux d’anthologie.
Il m’était arrivé de refermer « Funeral » quelques mois d’affilée, tant chaque écoute me laissait sans force. Comme une passion trop brûlante que l’on veut parfois dissimuler dans un recoin perdu de son esprit. Dissimulée, oui, mais pas oubliée, car on s’y replongera encore et encore, pour retrouver quelques instants brillants et vivifiants.
Au fond, rien ne peut avoir le même parfum que la première fois. Mais Arcade Fire est toujours là, incomparable. Me voilà réjoui pour deux ans encore.
Personne qui ne s’est jeté sur un commentaire dithyrambique de Neon Bible ? Alors je m’y colle, parce que 1- Je suis toujours en retard sur la musique de Blue 2- Je découvre et au bout de plusieurs écoutes successives (en l’occurrence 3 pour cette seule journée) 3- je commence à apprécier 4- sans raison particulière mais je crois que je vais continuer !
Enlevez casquette et bonnet,
Rentrez dans mon église,
Priez (ou cliquez) avec moi en chœur,
Neon Bible !