« ...vivre à Hokkaidô fait partie de moi-même : les hivers excessivement froids qui vous arrachent des larmes... les étendues immaculées de neige... Tu sais, à l’exception de quelques pins, toute la nature est comme enveloppée d’un linceul de mort. Mon premier hiver, j’ai été saisi par ces paysages sans vie. Puis après six mois, quand j’ai vu l’herbe commencer à pointer au-dessus de la neige, j’ai compris que l’hiver n’était pas réellement un temps de mort. Récemment, je me suis demandé si la mort des humains n’était pas semblable à l’hiver de Hokkaidô, qui attend l’heure de renaître. »
Splendeur d’un paysage. Froid, montagneux, enneigé... Les yeux clos, je sens ce vent glacial piquer mon visage. Dans cette majestueuse île d’Hokkaidô, j’imagine tout abandonner pour « la course au mouton sauvage » [1]. Mais aujourd’hui, ma quête est ailleurs. Sur cette terre où la neige a envahi tout mon espace intérieur, je ne suis plus seul. Nobue Nagano est présent à mes côtés, sur le chemin qui mène au col du mont Shiokari mais aussi à la foi.
Parce qu’il s’agit bien de foi, de Jésus-Christ, d’amour et de tolérance. Dans un Japon où le christianisme est considéré comme une secte diabolique, où les chrétiens sont rejetés et bannis de leur famille, Nobue, digne fils de samouraï sera éduqué lors de ses premières années par une grand-mère radicalement opposée à ces « yasos » [2]. A la mort de cette dernière, de nombreux évènements ainsi que quelques rencontres marquantes vont troubler le jeune Nobue. Petit à petit, il va découvrir ce que peut être réellement le christianisme. D’abord fermement rejetée, cette religion va le troubler de plus en plus, jusqu’à le convaincre totalement.
« Quand il commençait à parler, il se dégageait de lui une telle ardeur que son visage pâle devenait rouge. De sa faible stature, un message du Ciel résonnait de chaque cœur. Quand il s’arrêtait de parler, son visage reflétait une telle bonté, une telle douceur, que ceux qui l’écoutaient se trouvaient transformés, sentant leur cœur rempli d’amour et de louange. »
Ce roman, basé sur une histoire vraie, m’a totalement bouleversé, radicalement changé. Autant l’avouer de suite, je ne me sens pas l’âme chrétienne. Une tradition soi-disant familiale a fait de moi un supposé chrétien par les actes de baptême et de communions... Mais, de foi, il n’en a jamais été réellement question. Peut-être que les mots ou la manière visant à me faire découvrir cette religion n’ont pas été les bons, ni l’époque. Alors d’où me vient ce soudain intérêt pour le sujet ? Les mots simples employés par Ayako Miura ont donc su me convaincre et ont réussi à percer mon cœur et mon esprit, jusqu’ici très réfractaire au christianisme. Moi qui, jusqu’à maintenant, méditait secrètement sur son homonyme Kiyohiro Miura et son inoubliable « Je veux devenir Moine Zen ». Je découvre grâce au Japon une nouvelle religion, une nouvelle philosophie. Je ressens de nouvelles émotions, une réflexion au plus profond de moi s’immisce dans le peu d’esprit qu’il me reste. Je ne dis pas que du jour au lendemain, je vais devenir un fervent croyant et pratiquant, que le week-end prochain, au lieu de regarder Téléfoot, j’irai à la messe dominicale. Mais sur le coup, je me pose pas mal de question sur mon existence, sur mon rôle à jouer et sur mon devenir...
Et si la spiritualité était simplement l’abandon de soi...
« Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il donne beaucoup de fruits. »
Merci. Merci à Masao Nagano, héros réel d’un jour. Merci à Ayako Miura d’avoir retranscrit son histoire. Merci à Marie-Renée Noir d’avoir enfin traduit ce roman en français. Merci à la personne (en son genre, un autre Nagano) qui m’a offert ce livre.
Et si vous voulez poursuivre la réflexion sur le christianisme au Japon, un petit tour sur Vaovan s’impose !
[1] Bientôt, en exclu sur ce site, la tant attendue, mais non moins sublime, chronique de Blue.
[2] Yaso : au XIXème siècle, appellation méprisante pour le nom de Jésus. Les chrétiens de ce temps étaient aussi appelés ironiquement yaso.
C’est indéniablement un très bon livre. Je crois que "Au col du mont Shiokari" fait parti de ces romans qui vous donnent un plaisir incroyable pendant la lecture et qui soulèvent de nombreuses interrogations, même longtemps après les avoir lus.
J’ai l’impression de redécouvrir le véritable sens du christianisme dans la façon que Nobuo avait de l’appliquer dans sa vie quotidienne. Bon bien sur ça ne fait pas de moi un converti !
Le seul défaut (mineur) : le vocabulaire de Nobuo adulte semble avoir peu évolué par rapport à celui de son enfance.
ABSOLUTELY !
J’y ai découvert enfin le sens profond du christianisme. Pareillement, ce roman ne me fera pas aller à l’église mais m’a avant tout permis de découvrir un peu cette religion que j’étais loin de connaître.
Certainement, l’un des moments les plus fort de ma "carrière" de lecteur ! que je suis heureux de pouvoir faire partager à d’autres lecteurs.