« A vingt ans, on ne choisit pas.
A trente, le Bourgogne vous séduit.
A quarante, le Carmel, ou encore le Bordeaux.
A cinquante, on ne boit plus, on apprécie. »
Takeshi Kaikô.
La dégustation de deux grands Bourgogne par 2 japonais (la scène se déroulant en 1972, précision importante pour cerner la qualité du millésime). Le 1er grand cru sera un "La Tache 1966", le second un fameux "Romanée-Conti 1935". PLus qu’une dégustation, l’auteur nous fait assister à une véritable cérémonie devant la mise en condition préalable des protagonistes et la préciosité du sommelier face à la tâche qui lui est demandée. Quelques gorgées de cet ancestral nectar suffisent à plonger dans les souvenirs de M. X : la Bourgogne et sa renommée route des vins, le quartier St Germain et les Halles de Paris après guerre mais aussi et surtout les plaisirs charnels et sensuels de la gastronomie française et d’une jeune suédoise rencontrée au comptoir d’un vieux bar de quartier.
« Elle choisit du melon avec du jambon de pays, lui, du boudin noir. Un boyau rempli de sang de porc, cuit à la vapeur, et servi avec de la purée de pommes de terre. Lorsque la lame de couteau l’incisait, se déversaient dans l’assiette blanche en dégageant une odeur chaude, particulière, divers éléments d’un brun presque noir, que l’on mangeait mélangés à un peu de purée. Il croyait se souvenir qu’ils avaient également bu un Graves dont il avait oublié l’année. Elle mangeait en silence, mais avec appétit, elle savait aussi apprécier le vin, et elle souriait parfois en lui jetant un regard à l’oblique par-delà le verre. Bientôt, sous l’effet du vin, un éclat couleur de rose se répandit lentement sur ses joues blafardes. Ses prunelles d’un bleu cendré étaient paisibles quand elle souriait, mais lorsqu’elle reprenait une expression ordinaire, le romancier, habitué à déchiffrer des prunelles noires, éprouvait une certaine angoisse. »
Takeshi Kaikô.
Une lecture chaleureuse, pleine de couleur, de joie, un grand hommage à la vie où j’ai pu plongé volontiers dans l’intimité de ce grand vin et de cet amour oublié que la dégustation va faire renaître des lointains souvenirs.