Une autobiographie à 30 ans ? Surprenant, est-ce que la jeunesse et l’adolescence de Samuel Benchetrit sont si passionnantes que cela mérite d’en écrire un roman ? En 5 tomes, en plus... En fait, il faut considérer ce roman comme avant tout une étude sociale sur notre monde, sur son monde, celui d’une banlieue parisienne des années 80-90.
Une nuit que j’étais à traîner dans le hall, deux types sont arrivés et m’ont demandé comment je m’appelais.
Samuel
Ensuite, l’un des deux m’a demandé mes origines.
Juif par mon père. Gitane par ma mère.
Là-dessus, le premier m’a empoigné par les bras, et en un rien, je me suis retrouvé par terre. Le deuxième gars m’a attrapé par les cheveux et a tapé une dizaine de fois ma tête contre le sol carrelé pendant que son copain m’envoyait des coups de pied un peu partout dans le ventre et le dos. [...]
Quand je me suis réveillé, j’étais toujours étendu, apparemment personne n’était passé dans le hall, ou bien des gens qui avaient dû me prendre pour un camé.
Samuel B., au diminutif attendrissant de Bench, nous peint avec précision sa vision de la société du bas de sa tour du Val-de-Marne par des scénettes, à la fois drôles et émouvantes. Mais aussi, il nous montre la cruauté, et le manque d’espoir que l’on peut rencontrer dans un tel cadre de vie : tous les clichés actuels de la banlieue y sont présents : drogue, racisme, échec scolaire, sexe, espoir et désespoir... Mais est-ce vraiment des « clichés » ? N’est-ce pas simplement une réalité ? Quand des jeunes de banlieue se retrouvent dans une cage d’escalier pour refaire leur monde... Une visite guidée des tours de Bench, de la cave au toit en s’arrêtant sur tous les paliers via l’ascenseur (quand il n’est pas en panne), orchestrée par la plume simple mais véridique de Samuel Benchetrit.
Le lendemain soir, en fumant ma cigarette, je regardais le terrain vague, et deux gamins qui essayaient de faire rouler un vélo abandonné à une seule roue. Je me dis que les terrains vagues étaient des sortes de théâtres à représentation unique et aux spectacles parfois étonnants.
Je m’incline devant sa poésie visant à rendre merveilleux et magique un paysage fait de barres de bétons, de hautes tours et de terrains vagues.
Presque deux après, je replonge dans la vie de Samuel Benchetrit, second tome de son pentacle biographique. C’est, avant tout, avec un immense plaisir que je me resserre un petit chronique de l’asphalte 1/5 pour me fondre directement dans son histoire. Et quel bonheur, je jubile à cette nouvelle lecture et prend mon pied encore plus que la première fois. J’apprécie, je me marre et j’adhère à son style, à ses humeurs, à ses mots et maux... Fin du premier tome, il décide de partir de sa cité pour un petit job d’apprenti « photographe ». Ses potes braquent dans le centre commercial le magasin Studio Photo du centre commercial local pour lui offrir un appareil photo professionnel. Début du second volume, il arrive à Paris. Petits boulots et grandes galères. Il crève la dalle, vit dans des chambres de bonne, se fait tabasser comme un juif, livre des pizza, croisent des chiens, des fantômes et/ou des allumés... Il réalise son premier film, un court métrage de 40 secondes, « Le fils de la pastèque est un fruit comme les autres » ; puis un second de 3 minutes 30 : « Le retour du fils de la pastèque et le problème oedipien ». Il fait des rencontres surprenantes et incongrues : un grand noir qui met à mal une bande de skins à Châtelet, une vieille débile, vice-doyenne de France qui traite de grosse salope la Jeanne Calment, la plus belle femme de sa vie, les contrôleurs de la RATP... Son but : gagner quelques tunes pour se payer de la bobine de film. Grand et prestigieux but quand il pense à ses potes de toujours restés dans la cité, pour la plupart drogués, pour l’essentiel en taule, ou pour certains (les plus chanceux ?) déjà six pieds sous terre, conséquence classique d’une overdose ou d’une rixe dégénérée...
J’avais acheté ma caméra Super 8 chez un fan du général de Gaulle. Putain, ce mec avait recouvert les murs de son garage de photos et de posters de De Gaulle.
Et dès que je suis arrivé, il m’a dit :
Vous aimez de Gaulle ?
Moi j’aimais Gainsbourg et Arthur Rimbaud.
Ben,j’en sais trop rien.
Les jeunes, vous ne savez pas qui était de Gaulle.
C’était qui ?
Un grand homme.
Je sais pas si de Gaulle était un grand homme. En fait, voilà ce que je pensais, ce type n’était peut-être pas un enculé, et peut-être pas un héros. Non. Juste un mec qui s’était assez bien démerdé pour avoir une place, une station de RER, un aéroport et un paquet de trucs à son nom un peu partout. Et si on m’avait demandé mon avis, je lui aurais peut-être laissé l’aéroport, mais pour la place, ça aurait été Gainsbourg-Étoile, et le RER, Arthur Rimbaud-Étoile.
Samuel Benchetrit ne serait-il pas une « espèce » de Bukowsky français ?
Je partage ton avis... Le deuxième tome vient à peine de sortir... Mais du coup, je ne sais même plus où il en est le p’tit Sammy dans sa banlieue...
Autant d’attente entre les différents volumes d’une même pentalogie... Je crains devoir attendre que tous les tomes soient sortis avant de me replonger dans cette vie...
A moins que le Sammy ne se décide à écrire plus vite (ou à sa maison d’édition à sortir les romans plus rapprochés)