Akiyuki Nosaka Les Pornographes

06.03.2009 | Black
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« Voilà un roman qui épouvantera le monde. C’est un roman affreusement, impitoyablement insolent, qui plus est enjoué comme un ciel de midi au-dessus d’un dépotoir... »

Yukio Mishima

Que rajouter de plus : c’est la meilleure présentation du roman qui soit. Je ne peux guère aller à l’encontre de ce maître en écriture torturée.

Osaka, après-guerre.

Une bande de trois lascars se proclament pornographes et décident de tout mettre en œuvre pour satisfaire les plaisirs de leurs concitoyens mâles. Mais attention, l’amateurisme n’est pas pour ces messieurs. Ce sont de véritables professionnels ; leur mission : proposer un service adéquate à ce genre de prestation sans jamais s’encoquiner avec la mafia, trop risqué, trop dangereux. Ils ne sont pas là pour faire du fric, pour arnaquer leurs clients et ramasser le pognon sans scrupule. Ce sont avant tout des missionnaires du sexe, des humanistes au grand cœur. Réussir dans ce métier n’est pas donné à tout le monde. Cela ne s’apprend pas, il nécessite avant tout d’avoir la passion de la chose, l’esprit tourné, voir obnubilé sur un seul état de fait : le plaisir et son assouvissement. Rien d’autre ne compte pour ces messieurs que l’érection et l’éjaculation que quelques clients de la « bonne » société japonaise. Pas de violence, simplement du plaisir et de la rigolade tout en restant honnête et professionnel parce que le respect du client est primordial. Certains créent une société de service dans le monde de l’éditique, par exemple, d’autres dans le domaine du sexe (peut-être que certaines sociétés cumulent les deux ?) ; Mais dans les deux cas, pour rester au sommet, il suffit d’une seule motivation, celle d’être leader dans son marché ! celle d’être un WINNER ! et d’innover et d’apporter les solutions au bonheur de son prochain...


-  Le « spécial » ?
-  Le « spécial », j’ai rien contre. Non, c’est le fait qu’on peut toucher qui me plaît pas. Y a pas, un bain turc, cela doit être un bain turc et pas autre chose.
-  Ce que je veux dire, c’est que les filles qui bossent dans un sauna c’est des techniciennes, quoi. Leurs dix doigts, ils doivent leur servir à exciter les zones sensibles des mecs pour leur procurer du plaisir, c’est comme ça que ça devrait se passer, normalement. Seulement voilà, elles se font titiller, hein, et ça je dis que c’est une façon de camoufler leur manque de savoir-faire, tiens, c’est comme qui dirait un cuisinier qui non seulement n’utiliserait pas de bonite séchée ni de laminaires pour son bouillon mais qui te ferait passer tout ça à coups d’assaisonnements chimiques. Une fois qu’elles se sont laissées mettre le doigt, c’est au tour du gars à réclamer plus et d’une chose l’autre, on en arrive à quoi, dis-moi ? Eh oui, à la baise, ni plus ni moins. Non, ça va pas, alors pas du tout, j’admets pas que le « spécial » devienne un machin dans ce genre, sinon qu’est-ce que ça voudra dire « un bain turc », je te demande un peu ? Y’a des putes pour ça ! Non, voilà, tu t’allonges sur la table de massage, là, u peu comme un bébé si tu veux, et tu laisses faire l’autre sans jamais intervenir, les yeux fermés, sans penser à rien : la tête qu’a la fille ? A quoi elle pense ? rien à chiquer. Sentir ses doigts qui se promènent à la découverte d’un point vital viril que tu te connaissais pas - que même ta bobonne ou une autre n’a peut-être jamais remarqué-, les sentir qui te câlinent... Voilà ce que j’appelle le vrai plaisir du « spécial ». Pour tout te dire, tiens, dans le « spécial », c’est l’homme seul qui doit prendre son pied, la femme, elle doit rien éprouver.

(JPG)

Je ne connaissais de Akiyuki Nosaka que la célèbre « Tombe des Lucioles », immortalisée par le manga de Isao Takahata. M’intéressant de près aux plaisirs de la chair, c’est donc sur un esprit fébrile et fiévreux que les premières pages de ces « pornographes » [1] s’ouvrent à mes yeux et ma lubricité, en découvrant le cheminement de ces trois compères au cours d’épisodes picaresques et humoristiques. Je suis moi-même partant pour le « spécial ». Mais ici, vous ne trouverez pas de pornographie, ni de violence gratuite. Ici, l’important c’est le côté humain et passionnel du SEXE. Des shows érotiques, de la vente de culottes féminines déjà portées aux films pornographiques de plus en plus élaborés (avec un scénario étoffée d’une sophistication accrûe), des plaisirs solitaires jusqu’à l’organisation de partouzes et orgies sélectives...

Ce roman date de 1966. Pourtant, j’y retrouve les mêmes thèmes que dans les récents livres de Ryu Murakami (« Miso Soup » par exemple). Du coup, cela donne un aspect visionnaire à cette prose de Nosaka qui dans ce Japon d’après-guerre découvre la libéralisation sexuelle à outrance, la fin des tabous dans une société nippone extrêmement chaste, le peu de considération de la virginité des lycéennes... Ces pornographes pourraient-ils réussir à pénétrer le marché d’aujourd’hui ? Pas si sûr... le sexe de nos jours semble malheureusement bien plus violent et abjecte que d’antan... Où est donc le vrai plaisir ? Une adresse pour le « spécial » ?

[1] Pour les amateurs de pornographie qui s’intéressent également à la peinture japonaise, la couverture de l’édition Picquier est issue d’une œuvre de Rôfû OCHIAI.

 

3 commentaires

Akiyuki Nosaka 7 mars 2009 Anonymus effrontus

Je suis moi-même partant pour le « spécial ». Mais ici, vous ne trouverez pas de pornographie, ni de violence gratuite. Ici, l’important c’est le côté humain et passionnel du SEXE. Des shows érotiques, ...

Quand tu dis « ici » ... c’est ici sur le blog ?

 smiley smiley smiley smiley

Akiyuki Nosaka 7 mars 2009 Anonymus erectus

Et bien je constate, d’heure en heure, la venue du printemps, ainsi le petit oiseau à ressort[ ?] batifole à l’extérieur du puits.

Ces pornographes pourraient-ils réussir à pénétrer le marché d’aujourd’hui ?

Je n’ai pas la réponse mais je vois bien que le printemps se glisse aussi dans les questions.

[1] Pour les amateurs de pornographie qui s’intéressent également à la peinture japonaise, la couverture de l’édition Picquier est issue d’une œuvre de Rôfû OCHIAI.

Ne m’intéressant qu’à là peinture, je vais suivre le lien smiley

Fait chaud ce soir non ?

 

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