Tierra del Fuego

16.01.2010 | Black
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« - ça vous dirait d’aller travailler à Navarino ?
-  Navarino ?... fis-je, essayant de me souvenir.
-  Oui, Navarino ! La grande île au sud du canal de Beagle. Cette proposition me cueillit au cours d’une de ces journées où l’on pourrait s’embarquer vers n’importe où. Je traînais sur les quais comme séparé de moi-même, tels ces lambeaux de nuage qui paressent dans le ciel après une tempête et que le premier souffle du vent emporte. J’avais été moi aussi balayé par une tempête, qui avait laissé dans ma mémoire l’image d’une femme et déposé dans mon cœur une lourde goutte d’ombre, qui de temps à autre épaississait mon sang. »

Une telle proposition ne se refuse pas. Je suis toujours prêt à prendre mon quart sur la passerelle : « Barre à Bâbord, Toute ! » Comment peut-il en être autrement ? Découvrir le monde, chevaucher les vagues, chanter et s’aviner avec les baleines, partir loin au-delà de la ligne d’horizon, cap vers le soleil qui ne se couche jamais... Destination : le Chili, la Patagonie et Tierra del Fuego, la Terre de Feu.

Vous connaissez Francisco Coloane le chilien ? Je suppose que pour les grands voyageurs que vous êtes, vos chemins se sont déjà croisés... La meilleure présentation de l’auteur est peut-être celle de Luis Sepulveda lors de la préface de Tierra del Fuego. Je laisse la parole à Luis, cela suffira à comprendre qui est Coloane et ce que représente sa littérature au sein de l’Amérique latine.

« Les contes de l’enfance commençaient toujours par le prometteur "Il était une fois", qui nous ouvrait toutes grandes les portes de l’imagination. Pour parler de Francisco Coloane, je ne vois pas de meilleure formule. Que la magie de la littérature nous transporte dans une cabane en rondins où brûle un feu de cheminée, et l’horizon s’ouvre sur l’aventure. Il était une fois... un géant, de près de deux mètres, né en 1910. Il arborait une longue chevelure qui commençait à blanchir et une barbe touffue de marin ; il avait de cette démarche chaloupée des matelots qui viennent de mettre pied à terre et ses pas le conduisaient à la Maison de la Littérature. C’était en 1941. A cette époque, la plupart des écrivains chiliens et latino-américains oscillaient entre deux obsessions : écrire de "grands romans" qui affirmeraient leurs racines culturelles indéniablement européennes, ou reproduire les plus célèbres tragédies de la littérature slave, mais en empruntant des thèmes créoles. L’ambiance de cette maison-là était, on s’en doute, léthargique, arrogante et ennuyeuse. Avant d’y entrer, il était d’usage de frapper et de montrer patte blanche ; mais l’homme à l’allure de marin poussa la porte d’un vigoureux coup d’épaule, se planta au milieu du salon et dit : "Je m’appelle Francisco Coloane et je viens du bout du monde !" Avec lui, quelque chose de nouveau pénétrait dans la Maison de la Littérature : la rumeur de la mer démontée et les voix, s’exprimant en toutes les langues de la planète, des milliers d’aventuriers perdus dans les plaines de la Patagonie et dans les terribles solitudes de la Terre de feu. »

(JPG)

Si j’ai plongé dans l’univers Coloane, ce fut justement pour me préparer à un long voyage. Voyage vers l’aventure, voyage vers la découverte des contrées tellement lointaine que seul mon imagination et mes rêves peuvent y mettre les pieds... Cette expédition qu’elle soit à travers la pampa ou sur les flots agités d’une mer en compagnie des baleines et cachalots est inoubliable. J’en oublie même les histoires, courtes, je regarde le soleil se coucher sur l’horizon seul au milieu de la pampa, ou seul au milieu d’un océan agité. Pourtant, elles sont plaisantes ses nouvelles, parfois drôles, parfois tendres mais le plaisir, pour moi, est ailleurs. J’aime voyager et je retiens surtout ces fabuleux paysages de Chili ou de Patagonie. Le spectacle m’essouffle à la tombée de la nuit, lorsque les premières étoiles me font des clins d’œil complices. Quelques pièces d’or en main, à la recherche d’un trésor caché, ou dans un bar miteux à m’ivrogner en compagnie d’un vieux loup de mer, voilà de quoi s’évader pleinement de mon quotidien, de ramper, de nager, de voler sous de nouveaux horizons encore préservés (plus pour longtemps, si tout le monde se met à lire Coloane ou Sepulveda) de la furie dévastatrice de l’humanité. Il reste encore une terre vierge ; cette terre, chère à Francisco Coloane, est « Tierra del Fuego », avis à tous les Grands Voyageurs dans l’âme....

« La rive du lac s’était aplanie, les arbres ne masquaient plus le paysage et la lueur argentée de l’eau faisait ressortir les hautes herbes avec une surprenante netteté. Le spectacle fut encore plus saisissant lorsque nous nous engageâmes dans un vaste champ de paramelas, dont les touffes couvertes d’innombrables petites fleurs jaunes atteignaient le jarret des chevaux. Étrange plante que cette paramela des rives du lac Toro ; elle dégage un parfum entêtant, ses feuilles et ses tiges remplacent souvent le thé et le maté, et l’on dit qu’une infusion trop prolongée provoque maux de tête et hallucinations. C’était une nuit d’argent et d’or. Piétinées par nos chevaux, les touffes efflorescentes exhalaient un arôme grisant qui nous enveloppait et j’avais l’impression de fouler les prairies d’un autre monde. »

Vous voulez parler de Coloane ? Vous pouvez toujours postez vos commentaires ici, (et/ou) me rejoindre là-bas pour poser votre barda et prendre un verre avec Francisco.

 
 

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