Automne 1914. La Suède, malgré sa neutralité, craint d’être entraînée dans la guerre, car les flottes allemande et russe s’affrontent au large de ses côtes. Le capitaine Lars Tobiasson-Svartman reçoit la mission de sonder les fonds de la mer Baltique et de chercher une route maritime secrète à travers l’archipel d’Östergöland. L’homme est hanté par l’idée de contrôle qu’il exerce en mesurant tout ce qui l’entoure, les masses, le temps, les distances entre les lieux, les objets et les êtres (sa femme Kristina restée à Stockholm). Mais lorsqu’il découvre Sara Fredrika vivant seule sur une île désolée, la présence de cette femme très vite l’obsède et il devient son amant. Le fragile couvercle qu’il maintenait sur son " abîme " intérieur se soulève et son univers tiré au cordeau vole en éclats. D’allers et retours entre l’île et Stockholm, il s’invente des missions secrètes. De mensonge en mensonge - à Sara Fredrika, à Kristina, qui perd la raison, à l’amirauté qui le pousse à démissionner -, Tobiasson perd pied, sombre dans la folie et se suicide par noyade. Dans ce récit sobre et parfaitement construit, porté par une intensité émotionnelle constante, Mankell se mesure ici avec les plus grands auteurs suédois contemporains, Torgny Lindgren et Per Olof Enquist.
Mes plus belles émotions de Henning Mankell ne me sont pas parvenues par l’intermédiaire de son fameux inspecteur Wallander. Pourtant, je l’aime bien ce flic, un peu solitaire, un peu mélomane. En sa compagnie, j’y ai découvert une Scanie telle qu’aucun office du tourisme n’aurait pu vous la décrire. Il m’a même fait voyager jusqu’à Riga et même au-delà, en Afrique du Sud.
« De tribord, où il se tenait caché sous l’échelle, on devinait la ligne côtière dans la lumière de l’aube. Des écueils et des îlots se balançaient dans la forte houle. Ici commence et finit un pays, songea Lars Tobiasson-Svartman. Mais la frontière est fluctuante, il n’y a pas un point précis où la mer cède à la terre. Jadis les marins voyaient dans ces écueils, à peine visibles sous la surface de l’eau, ces récifs et ces brisants, d’effrayants monstres marins. A mon tour, je peux me le représenter comme des animaux qui sortent lentement de la mer. Mais ils ne me font pas peur. Pour moi, ces rochers qu’on entrevoit entre les vagues déferlantes ne sont rien d’autre que des hippopotames pensifs et absolument inoffensifs, d’une espèce que l’on ne trouve qu’en mer Baltique. »
Mais aujourd’hui, je suis plongé, immergé même dans l’eau glaciale de la Suède, aux prémices de la première guerre mondiale. Le héros ne s’appelle plus Kurt Wallander, mais le capitaine Lars Tobiasson-Svartman, sondeur des profondeurs de la mer Baltique.
« Ici commence et finit un pays. Une calotte rocheuse qui relève insensiblement le dos. Une calotte qu’on appelle la Suède. Il avança jusqu’au bastingage et se pencha sur l’eau grise, couleur de plomb, qui écumait sur le flanc du navire. La mer ne lâche jamais prise, songea-t-il. La mer ne se rend jamais. L’hiver, elle est comme une peau gelée. L’automne est une attente immobile, avec les brusques clameurs des vents volubiles. L’été n’est qu’un reflet fugace dans le miroir de l’eau. »
« Profondeurs » est un roman pour les amoureux des bateaux, les amoureux de la mer et de ses profondeurs, les amoureux tout court. Une profonde histoire d’amour et de déchirement sur un ilot de terre, solitaire et abandonné, à l’aube de la première guerre mondiale. Je ne vous cacherai pas que c’est le meilleur Mankell que j’ai lu. La beauté de la mer, la beauté des sentiments, la désolation des lieux... Ce n’est pas un polar comme à son habitude, c’est juste une profonde et émouvante histoire d’amour dans les profondeurs de la mer baltique !
« La mer, l’émergence des terres, tout ce mystère ressemble au lent mouvement de l’enfance vers la maturité et la mort. En chaque être humain, la terre sort des eaux. De la mer Viennent tous nous souvenirs. »
Le capitaine Lars Tobiasson-Svartman m’a profondément ému, j’ai envie de devenir marin rien que pour vivre une telle aventure, perdu et reclus seul sur un ilot désertique entouré de glace et de vents marins.
« La mer est un rêve qui ne rend pas les armes. »
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