"[...] toujours est-il que nous n’étions pas de taille à nous mesurer avec les grands félins. Ils faisaient la loi, tenaient le haut du pavé, et nous n’osions pas nous mettre en travers de leur route. D’une dent ferme, ils limitaient notre croissance démographique, et c’était sans remède, hors celui de remonter dans les arbres, autrement dit d’abandonner toute l’aventure comme une affaire mal engagée. C’était ce que père ne voulait admettre pour rien au monde, à l’encontre des gens tels que l’oncle Vania. "Nous avons, disait-il, une grande cervelle, un grand crâne pour la contenir, nous devons continuer de lui faire confiance, et quelque chose, un jour, surviendra qui rétablira nos chances." "En attendant, ce qu’il nous faut, disait-il, c’est une aussi bonne paire de jambes que possible" [...] Mais çà n’empêchait pas, en attendant, que la tribu féline fût la classe dominante, avec tous les inconvénients que celà comportait. L’un de ceux-ci, c’était l’habitat. Toute femme de pithécanthrope veut avoir un chez-soi convenable, un foyer pour élever sa famille, bien chaud, et avant tout, bien sec. En un mot, une caverne."
Le ton est donné. Roy Lewis, anthropologue et romancier, nous fait partager avec beaucoup d’humour le quotidien d’un clan de pithécanthropes tout juste descendus des arbres, et sur le point d’entrer dans l’humanité.
Il y a Edouard, le père et le chef, un véritable visionnaire, qui raisonne et trouve des solutions techniques au problème de survie du clan : chaque nuit est la répétition de la précédente, une lutte inégale contre les prédateurs de toute sorte. Edouard ramènera le feu, qui marquera l’entrée dans l’ère technologique. Tout occupé à tenter de le maîtriser, non sans mésaventures puisque leur environnement finira par en pâtir, le feu amènera la sécurité et le confort en permettant de déloger enfin les ours de la caverne trois étoiles convoitée. Les techniques de chasse gagnent en efficacité, car le feu offre la possibilité de durcir la pointe des pieux de chasse. Enfin, progrès inestimable en vérité, le feu, toujours lui, permet de cuire les aliments. Plus que le goût ou l’aspect sanitaire, c’est surtout le gain de temps pris sur les longues heures de lente mastication des gigots d’éléphants qui marque un progrès. Les soirées près du feu s’ouvrent à un nouveau type d’activité : la réflexion, et l’introspection !
L’oncle Vania, frère d’Edouard, défend quand à lui le bon vieux précepte selon lequel c’était mieux avant. La vie était plus simple, mais surtout, ce progrès, défendu par Edouard, ne va-t-il pas les conduire à leur perte, en les soustrayant à mère nature ? "Back to the trees, clame-t-il, back to nature !"
Restent les enfants d’Edouard. Alexandre, l’artiste, qui sera le premier à représenter sur le rocher une image, une vue abstraite de la réalité. Oswald, le chasseur. William, qui tente d’apprivoiser un chien, non sans déconvenue. Et Ernest, l’intellectuel et le narrateur.
Les frères sont lancés dans l’aventure du progrès, dans le rythme effréné imprimé par leur père. Les voilà bien malgré eux en quête d’une compagne "exogène", et on se régale à lire leurs aventures. Auparavant, on prenait femme chez ses soeurs. Maintenant, il faut favoriser le brassage génétique. C’est plus compliqué, car la séduction se substitue un peu plus à la force et à la facilité. Mais en contrepartie, un nouveau sentiment s’éveille : l’amour.
Mais tous ces progrès en appellent d’autres. Comment garder l’avance sur les autres clans ? Une divergence de fond se fait alors jour entre l’humaniste, Edouard, qui souhaite en faire profiter tout le monde, et Ernest, bien relayé par sa femme, qui veut garder la connaissance, synonyme de pouvoir aussi bien politique que spirituel.
N’est ce pas là que le péché originel fut consommé ?
Bonjour momo29
décevant, rien d’intéressant... tout comme « Les Animaux dénaturés »... Du coup cela me donne envie de lire cette œuvre de Vercors, publiée en 1952...
Vercors raconte l’histoire de la découverte d’un chaînon manquant entre le singe et l’homme, nommé Paranthropus Greamiensis en l’honneur de son découvreur Greame, et surnommé Tropi. Un homme d’affaires nommé Vancruysen veut profiter d’eux pour avoir de la main-d’œuvre à bon marché, sans salaires ni droits, pour une usine de lainage. Le problème se pose alors : où se situe la limite entre les animaux et l’homme ? Doit-on faire de ces êtres des électeurs ou du beefsteak ? Cela évoque la question antique : Combien faut-il de cailloux pour faire un tas ? Mais aussi Qu’est-ce que l’homme ?, thématique que Vercors poursuivra dans ses romans suivants. Pour répondre à cette question, Douglas Templemore tuera un enfant tropis dont il est le père et se verra poursuivit en justice, ce qu’il recherchait pour faire prendre conscience au grand public de la question fondamentale : "Quelle est la définition de l’homme ?" et "Où s’arrête-elle ?"
Dis-moi, ça a l’air vachement bien comme bouquin
D’autant plus que le but n’est pas de faire des résumés mais de donner envie de lire ou de découvrir...
PS. : Blue, si tu t’sens un vieux con, ke-ce que je dois être... moi qui suis bcp plus vieux...
Absolument ! J’en suis à ma deuxième lecture (et ce malgré les nombreux livres qui attendent patiemment une première lecture).
Par contre, j’ai cru voir récemment la réédition d’un autre livre de Roy Lewis : « La Véritable Histoire du dernier roi socialiste ». Mais je n’ai pas encore d’infos dessus...
Les faits remontent à une dizaine d’année : « mon grand frère », véritable dénicheur de talents, m’a prêté ce livre... Et je l’ai litéralement dévoré [au sens propre et figuré], tel un carnivore de la literrature.
Depuis, les années ont passées, je me suis offert ce livre et l’ai à nouveau mangé avec appétit [même plutôt plusieurs fois qu’une ; entrée, plat ET dessert].
Une merveille, un livre culte dont le sujet nous évoque le début de l’humanité mais ressemble étrangement à la vie d’aujoud’hui (quête du pouvoir, partage du savoir et des connaissances, recherche spirituelle, problème écologique...). La société de ces pithécanthropes n’a pas beaucoup évoluée depuis l’aube de ces temps lointains.