Un jeune homme intervint : Parlez-nous de l’Amitié.
Il répondit en ces termes : Ton ami est la réponse à tes besoins. Il est le champ que tu sèmes d’amour et récoltes en rendant grâces. Il est ta table chargée de mets et ton âtre. Car tu viens à lui affamé et le recherches pour la paix.
Quand ton ami te découvre son avis, tu ne redoutes pas de lui dire « Non », tu ne retiens pas ton « Oui ». Et quand il est silencieux, ton cœur ne cesse pas d’écouter le sien ; Car sans mots, dans l’amitié, toutes paroles, tous désirs, toutes espérances naissent et se partagent, avec une joie spontanée. Quand tu te sépares de ton ami, tu ne t’affliges pas ; Car ce que tu aimes le plus en lui pourra s’éclaircir en son absence, comme la montagne pour le grimpeur est plus nette depuis la plaine. Et que l’amitié n’ait d’autre but qu’approfondissement de l’esprit.
Qu’à ton ami tu donnes de ton meilleur. S’il doit connaître le reflux de ta marée, qu’il connaisse aussi son raz. Que serait ton ami si tu le cherches pour tuer le temps ? Cherche-le toujours pour le vivre. Car il lui appartient de satisfaire ton besoin, pas ton vide. Et qu’il y ait rire dans la douce amitié, et partage de plaisirs. Car dans la rosée des détails, le cœur trouve son matin et la fraîcheur. [*]
Je dédie ces quelques lignes de Khalil Gibran à un ami, qui m’est très cher et compte énormément. Vu le nombre d’amis que je peux avoir, je n’ai aucun doute sur le fait qu’il se reconnaisse. [Ce texte est pour toi...]Je ne saurais mieux exprimer ma pensée que par ces quelques mots qui maintenant s’associeront toujours dans ma tête avec ton image. A graver dans mon esprit et mon cœur.
Avec de courts textes, entre poésie et métaphores, Khalil Gibran, nous donne matière à réflexion, à introspection sur l’amour, l’amitié, la mort, la vie, les enfants, le travail, etc... Un livre à avoir constamment sur soi, pour pouvoir en lire un court chapître à la moindre occasion, en attendant un métro sur le quai, autour d’une Grimbergen sur la terrasse ensoleillée d’un café (ou d’un arak selon la latitude), au bureau, aux toilettes...n’importe où, n’importe quand...toutes les occasions sont bonnes pour s’inspirer de cette magnifique prose.
Votre raison et votre passion sont le gouvernail et les voiles de votre âme navigatrice. Si voiles ou gouvernail se brisent, vous ne pourrez qu’être malmenés et dériver, ou bien rester en panne entre deux eaux. Car la raison, si elle est seule à gouverner est une force qui limite ; tandis que la passion, laissée à elle-même, est flamme qui brûle jusqu’à se détruire elle-même. Laissez donc votre âme exalter la raison jusqu’à la hauteur de la passion, pour qu’elle chante ; Et qu’elle guide la passion à force de raison, que celle-ci vive jusqu’à sa propre résurrection journalière et tel le phénix renaisse de ses cendres. [*]
« Éclairez-nous sur le Bien et le Mal »...
[*] Traduction de Guillaume Villeneuve.
-----> Dédicace vue de chez moi !
Pour ceux comme moi qui n’aiment pas les éditions de poche (tout spécialement les "J’ai Lu"), au papier si fin et si désagréable, allez faire un tour au rayon philosophie de votre librairie préférée. J’ai eu la bonne surprise de trouver un petit bout de rayon consacré à Khalil Gibran, et des éditions plus soignées, notamment accompagnées de caligraphies.
Comme le dit si bien Black, on peut avoir une édition de poche sur soi, au cas où. Quand à l’édition "prestige", elle mérite sûrement une place dans la bibliothèque.
Mon édition a le format poche mais c’est pas du "J’ai Lu"... C’est une édition que je ne connaissais pas et qui a été achetée dans un libraire arabe avec quelques calligraphies et quelques dessins en plus... (Le prix doit être le même que pour une édition normale, c’est à dire faible...)
Cela donne une touche plus sympatique pour un livre...
Mais je suis d’accord avec toi, la qualité des poches est moindre et l’intérêt que j’y trouve correspond surtout au fait que je lis souvent à l’extérieur (métro pour l’essentiel). Mais les grands formats ont généralement une magie en plus, quelque chose qui rend le livre un petit peu plus spécial...
Salut,
Juste pour vous dire que "Le prophète" a été écrit à l’origine en anglais (enfin, apparemment Gibran en a écrit au moins 3 versions, la première en arabe, la seconde et la dernière en anglais).
Bref, du coup, la traduction a beaucoup d’importance. J’en ai lu au moins 4. La pire est celle de Guillaume Villeneuve (Editions de Minuit, collection "La petite collection"). C’est presque illisible et toujours approximatif.
La plus fidèle et la plus poétique que j’ai trouvé est celle de Camille Abassouan (et de très loin). Je croyais qu’elle n’était plus disponible (j’ai une vieille édition trouvée chez un bouquiniste), mais je viens de voir que la traduction utilisée par "Le livre de poche" est justement celle de Abassouan.
Un petit exemple à partir d’un extrait trouvé sur ce site et qui viens visiblement de Villeneuve, chapitre sur l’amitié, après "Ton ami est à la réponse à tes besoins" :
Texte original : He is your field which you sow with love and reap with thanksgiving. And he is your board and your fireside.
Texte trouvé sur ce site : Il est le champ que tu sèmes d’amour et récoltes en rendant grâces. Il est ta table chargée de mets et ton âtre.
Texte de Abassouan : Il est votre champs que vous ensemencez avec avour et moissonnez avec reconnaissance. Et il est votre table et votre foyer.
Villeneuve sème "avec des graines d’amour" apparemment ( !) alors que Gibran sème "avec amour". Et la table se retrouve "chargée de mets". Et visiblement, le "And" que Gibran avait mis en début de phrase ne lui plaisez pas. Et des comme ça y’en a 10 par pages.
Bref, vraiment, si vous aimez ce texte, je vous conseille la traduction d’Abassouan. Autre info : on trouve le texte intégral, en anglais, sur pas mal de site...
Voilà. Bonne lecture Jeff
Merci Jeff pour ce commentaire éclairé !
J’ai donc repris mon « Prophète », Édition MILLE ET UNE NUITS, et la première page m’attriste donc en voyant le traducteur : Guillaume Villeneuve.
Je sais ce qu’il me reste à faire : entrer chez des bouquinistes pour trouver des traductions dignes de la poésie et de l’esprit de Gibran. Je vais suivre tes conseils, en essayant de trouver une traduction de Camille Abassouan...
Et encore, merci pour cet avis !
Salut,
Deux corrections et quelques informations supplémentaires suite à mon dernier messages...
D’abord, les corrections. La première concerne le nom du traducteur : ce n’est pas Camille Abassouan comme je l’ai écrit, mais Camille Aboussouan !
Ensuite, concernant la création du Prophète par Gibran. D’après la préface à mon édition préférée (Casterman, 1972), il a en fait écrit 3 versions en arabe, puis l’a réécrit (pas seulement traduit) en anglais. Ensuite il a corrigé plusieurs fois ce texte en anglais avant de le donner pour publication, mettant en oeuvre ses écrits :
"Et tout savoir est vain sauf là où il y a travail, Et tout travail est vide sauf là où il y a amour"
Pour les informations :
Je viens de trouver de larges extraits du Prophète dans la traduction de Aboussouan. C’est ici : http://www.philippevilain.be/khalil.html
Ensuite, d’après une bibliographie intéressante de France Culture, il n’y a que 2 éditions avec la traduction Aboussouan. La première est celle de la Collection Casterman, de 1972, et qui doit être épuisée. La seconde est celle des éditions du Seuil, Collection Sagesses, Points, imprim. juin 1992
Pour finir, j’ai trouvé "LE" site sur Gibran. On y trouve notamment l’intégralité de ses textes en anglais. C’est ici : http://www.leb.net/gibran/
@+ Jeff
Merci pour cette précision.
Une chose formidable avec Google, c’est qu’en tapant Camille Abassouan, il te propose Camille Aboussouan (je ne savais pas si c’était une faute de frappe ou une disgression liée à la traduction du nom). Donc de ce côté-là, j’ai pu me renseigner sur le sujet...
Et du coup, pas plus tard que ce week-end, j’ai recherché une édition avec cette traductrice. Et j’en ai trouvé une : c’est bien de chez Casterman (par contre, j’ai pas pensé à relever l’année). Peut-être que depuis 1972, le livre a été ré-éditer, parce qu’il était neuf chez Cultura à Gennevilliers.
Un moment de tristesse... Je lis quelques mots de Khalil Gibran.
« Votre joie est votre tristesse sans masque. Ce même puits d’où montent votre rire a souvent été rempli de vos larmes. Et comment en serait-il autrement ? Plus la tristesse creusera profond dans votre être, plus vous pourrez contenir de joie.
[...]
Lorsque vous êtes joyeux, regardez au plus profond de votre coeur et vous découvrirez que c’est seulement ce qui vous a donné de la tristesse qui vous donne de la joie. Lorsque vous serez envahi de tristesse, regardez de nouveau dans votre coeur, et vous verrez qu’en vérité vous pleurez pour ce qui avait fait vos délices. »