La nuit fut encore une fois courte, voire très courte. La faute à trop de brochettes, trop arrosées la veille. Mais tant pis. L’entraînement aidant, les jambes se remirent vite en route.
06h20 : départ de la station de ski de Super Collet. Il y a quelques voitures sur le parking, trop vaste en cette saison. Sûrement quelques randonneurs partis en nuitée à la Pierre du Carré. En ce qui nous concerne, la marche d’approche pour gagner le pied du Grand Charnier s’annonce longue, mais pas ennuyeuse. D’abord gagner les crêtes des Plagnes, et profiter du panorama. Puis par un chemin serpentant sur les flancs, gagner le col de Claran, pour enfin contourner le Petit Charnier et atteindre la véritable difficulté de la journée : la pente finale qui conduit au débonnaire sommet du Grand Charnier.
A mesure que la face se précise, et que je cherche en vain des yeux l’itinéraire qui permettra de gagner le sommet, l’appréhension me gagne. Chacun a sa propre pratique de la montagne. Et la mienne repose sur deux critères.
Le premier est objectif. Je me réfère en permanence à mon expérience, autrement dit aux randos ou courses que j’ai déjà faites, avec succès ou non. J’établis des comparaisons et je peux donc me situer et me projeter sur l’objectif du jour. Ce dernier est souvent choisi par hasard : humeur du moment, envie soudaine, échec passé à retenter, ou même recherche d’un souvenir.
Le second critère est subjectif, voire même irrationnel. Il touche à ma nature profonde. Il naît de mes angoisses ou de mes névroses. Il s’écoule de ma nature profonde. Et il se manifeste par une boule à l’estomac, discrète mais bien présente : peur de rater, peur d’avoir peur ?
Face à cette paroi, verticale et sombre, surtout de loin, je pense à tout celà. A mesure que le vide va se creuser derrière moi, même modeste, car même si l’aide des mains est parfois indispensable, on est loin d’une paroi verticale, je sens cette crainte s’installer.
Comme dans la vie, on acquiert des expériences et un capital confiance. Face à une difficulté, au lieu de la fuire, on choisit de l’affronter avec au fond de soi, la certitude d’avoir la capacité à y arriver. Les voix parasites que l’on s’impose à soi-même troublent parfois la clairvoyance et le jugement.
Je crois que chacun peut ainsi se situer dans sa pratique de la montagne. Le plus grand alpiniste fonctionne de la même manière me semble-t-il.
Reste un troisième critère qui parfois prend le dessus sur le reste : le goût d’avoir maîtrisé un risque, et l’envie de recommencer...
Au final, après quelques hésitations dans la paroi, l’ascension se passa bien. Et la joie d’y être arrivé, sur le plan physique, mais aussi sur le plan mental, est une récompense majeure.
Aujourd’hui, le mouton sauvage lit un roman sur les haïkus et la neige. Une belle combinaison !
Alors, il citera Kobayashi Issa [1763-1828] :
« Vent Hivernal
Un prêtre shintô
Chemine ans la forêt »
Reste à savoir si ce prêtre aura pris l’apparence d’un blue ou d’un gpl ... La question est posée...
Cher Blue, je vais commencer par te citer :
[...] peur de rater, peur d’avoir peur ?
Face à cette paroi, verticale et sombre, surtout de loin, je pense à tout celà. A mesure que le vide va se creuser derrière moi, même modeste, car même si l’aide des mains est parfois indispensable, on est loin d’une paroi verticale, je sens cette crainte s’installer.
Comme dans la vie, on acquiert des expériences et un capital confiance. Face à une difficulté, au lieu de la fuir, on choisit de l’affronter avec au fond de soi, la certitude d’avoir la capacité à y arriver.
Et maintenant, j’ai trouvé une citation de Paulo Coehlo, extraite de « La cinquième Montagne » :
Tout homme a le droit de douter de sa tâche et d’y faillir de temps en temps. La seule chose qu’il ne puisse faire, c’est l’oublier.
Finalement, je me rends compte que tu as le même discours. Sous ton pseudo de Blue, ne se cacherait-il pas un être spirituel de grande envergure ? [ au moins 1m90 ]